Bonjour Monsieur Gauguin !
Gauguin peint ce tableau en 1889 ; Il fait explicitement référence au tableau de Courbet «Bonjour Monsieur Courbet» peint en 1854.
Qu'observe-t-on ? D'abord, Gauguin abandonne la perspective inventée à la Renaissance. Les couleurs assez peu réalistes, sont aussi vives à l'arrière plan qu'au premier plan alors qu'elles devraient être «dégradées» au second plan pour créer l'illusion de la profondeur. La couleur du ciel est du même bleu - bleu foncé - gris que le vêtement de la femme. Le même ocre rouge se retrouve à la fois au premier plan sous les pattes du chien et sous la petite maison à gauche. Cette même petite maison semble étonnamment proche avec son mur jaune brillant. La barrière entre les deux personnages est de la même couleur que le tronc des arbres derrière eux, etc. Ainsi, même
si une vague ligne oblique traverse le tableau des pieds de
Gauguin jusqu'à la petite maison en donnant une légère illusion de
profondeur, on n'a pas un tableau en 3 dimensions mais en 2 dimensions.

Ensuite, à la différence du tableau de Courbet, on n'a pas le sentiment d'assister à une rencontre ; on voit juste 2 «fantômes» figés, plus ou moins face à face qui ne se saluent pas. Donc, à la différence de la peinture religieuse, mythologique ou historique des siècles précédents, il n'y a pas réellement d'événement, pas réellement de sujet. Absolument antithéâtral, le tableau ne renvoie qu'à lui-même (voir l'excellent livre de Michael Fried, le modernisme de Manet sur l'évolution de la peinture au XIXe siècle), et à ce titre, il préfigure parfaitement les propos de Maurice Denis en 1890 : «se rappeler qu'un tableau, avant d'être un cheval de bataille, une
femme nue, ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface
plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées».
Pour ces raisons rapidement esquissées, ce tableau est important car il annonce clairement le XXe siècle et la modernité. On y pressent le Fauvisme et la peinture abstraite !