dimanche 23 juillet 2023

Bonjour Monsieur Gauguin !

Gauguin peint ce tableau en 1889 ; Il fait explicitement référence au tableau de Courbet «Bonjour Monsieur Courbet» peint en 1854.

Qu'observe-t-on ? D'abord, Gauguin abandonne la perspective inventée à la Renaissance. Les couleurs assez peu réalistes, sont aussi vives à l'arrière plan qu'au premier plan alors qu'elles devraient être «dégradées» au second plan pour créer l'illusion de la profondeur. La couleur du ciel est du même bleu - bleu foncé - gris que le vêtement de la femme. Le même ocre rouge se retrouve à la fois au premier plan sous les pattes du chien et sous la petite maison à gauche. Cette même petite maison semble étonnamment proche avec son mur jaune brillant. La barrière entre les deux personnages est de la même couleur que le tronc des arbres derrière eux, etc. Ainsi, même si une vague ligne oblique traverse le tableau des pieds de Gauguin jusqu'à la petite maison en donnant une légère illusion de profondeur, on n'a pas un tableau en 3 dimensions mais en 2 dimensions. 



Ensuite, à la différence du tableau de Courbet, on n'a pas le sentiment d'assister à une rencontre ; on voit juste 2 «fantômes» figés, plus ou moins face à face qui ne se saluent pas. Donc, à la différence de la peinture religieuse, mythologique ou historique des siècles précédents, il n'y a pas réellement d'événement, pas réellement de sujet. Absolument antithéâtral, le tableau ne renvoie qu'à lui-même (voir l'excellent livre de Michael Fried, le modernisme de Manet sur l'évolution de la peinture au XIXe siècle), et à ce titre, il préfigure parfaitement les propos de Maurice Denis en 1890 : «se rappeler qu'un tableau, avant d'être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées».
 
Pour ces raisons rapidement esquissées, ce tableau est important car il annonce clairement le XXe siècle et la modernité. On y pressent le Fauvisme et la peinture abstraite !



mardi 18 juillet 2023



David Hockney

David Hockney peint des prises de courant ;

David Hockney peint des paires de ciseaux ;

David Hockney est un mec gonflé !


 

jeudi 13 juillet 2023

Vue de Delft (Johannes Vermeer) 

Le plus beau tableau du Monde ?

C'est pas moi qui le dis, c'est notre grand Proust! Vue de Delft est certes un merveilleux tableau et Proust un grand critique d'art... mais pourquoi le qualifier de plus beau tableau du Monde ; on sent bien que l'expression a quelque chose d'incongru, voire d'absurde : il y a tellement de tableaux pour lesquels on pourrait employer cette même expression. 

Prenons la peine de le considérer attentivement, objectivement si cela est possible : que voit-on ?

D'abord, un premier plan plutôt neutre, très bien peint mais finalement assez banal. Une grève jaune avec des petits personnages assez indistincts, et puis l'eau, très finement rendue : espace de transition calme. Au-dessus, un «grand» ciel avec ce nuage noir tout en haut du tableau qui veut nous faire abaisser notre regard vers la ville !

Puis la ville, Delft, présentée frontalement, massive, repoussée au second plan ; rien à voir avec certains tableaux de Canaletto dans lesquels Venise est toute ouverte par son grand canal. Là, rien de tel, la ville a quelque chose de fermé, d'impénétrable, bien que l'on distingue de «discrets» points d'entrée (le pont et les deux portes qui encadrent le pont : la Porte de Schiedam à gauche, la Porte de Rotterdam à droite) !

Et c'est là que notre cher Marcel Proust entrevoit, au dernier plan, ce petit pan de mur jaune qu'il admire tant ! 

En fait, le petit pan de mur jaune fait partie d'un ensemble d'éléments éclairés d'une vive lumière présentés au dernier plan du milieu au côté droit du tableau, principalement des toits et le clocher de l'église.

Arrivé à ce point de la description, on peut gloser sur ses qualités picturales, beaucoup y ont vu avec raison, je crois, dans le traitement de l'eau et des différentes bâtisses de la ville, les prémices de l'impressionnisme. Mais je pense que son intérêt est ailleurs et je risque mon interprétation ! Que nous dit donc Vermeer par ce tableau qui, à juste titre, a tant impressionné Marcel Proust : je pense qu'il nous dit que la Beauté (le petit pan de mur jaune et les toits éclairés dans le fond) n'est pas immédiatement accessible. On l'entrevoit dans le lointain mais il faut faire un long chemin (la grève, l'eau, la ville fermée) avant d'y accéder ! Un chef d'œuvre ne se laisse pas «pénétrer» et comprendre si facilement.

 


À propos de l'émission  Connexions Hopper x Vermeer sur France 5   Je trouve assez peu pertinent de faire un rapprochement entre ces 2 ...